C'est la première fois que de telles informations sont rendues publiques. Grâce à la loi bancaire de 2013, un groupe d'ONG a démontré, mercredi 16 mars, dans un rapport que les cinq plus grandes banques françaises (BNP Paribas, BPCE, Société Générale, Crédit Agricole et Crédit Mutuel-CIC) ont dégagé presque 5 milliards d'euros de bénéfices dans des pays à la fiscalité avantageuse en 2015.
"A l'international, alors que les banques françaises réalisent un tiers de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, ceux-ci ne représentent qu'un quart de leurs activités internationales déclarées, qu'un cinquième de leurs impôts, et seulement un sixième de leurs employés", relèvent dans l'étude CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et Secours Catholique-Caritas France.
"L'ère des paradis fiscaux est loin d'être révolue" confirme Manon Aubry d'Oxfam France. Le Luxembourg en est l'exemple le plus probant en accueillant à lui seul 1,7 milliard d'euros sur ces 5 milliards d'euros de bénéfices, dopant sa place financière et faisant de lui la destination privilégiée des établissements étudiés.
Suivent en Europe, la Belgique (1,66 milliard d'euros), l'Irlande (272 millions), et les Pays-Bas (189 millions), et en Asie Hong-Kong (436 millions) et Singapour (346 millions).
60% plus lucratif qu'ailleurs
Si ces Etats sont qualifiés de "paradis fiscaux" par les ONG, c'est qu'ils proposent par exemple un taux d'imposition effectif très bas, voire nul ou favorisent des pratiques fiscales dommageables. Dans ces pays fiscalement avantageux, "les activités des cinq banques françaises sont 60% plus lucratives" que dans le reste du monde est-il notamment relevé.
Dans le détail, "BNP Paribas et la Société Générale sont les banques qui ont, en valeur absolue, les bénéfices les plus importants logés" dans ces juridictions avec respectivement 2,4 milliards et 1,3 milliard, souligne le document. Le Crédit Mutuel-CIC a de son côté "la plus importante part relative de bénéfices internationaux déclarée dans les paradis fiscaux (44 %)", est-il ajouté.
De façon générale, les chiffres témoignent surtout "de la déconnexion entre les bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux et l'activité réelle des banques".
Des filiales offshores sans salariés
Les ONG soulignent également que les salariés de ces filiales implantées dans les paradis fiscaux "sont en moyenne 2,6 fois plus productifs". L'exemple de l'Irlande illustre cette tendance dans le rapport :
"Le travail d'un salarié BPCE en Irlande, rapporte en moyenne 1,7 million d'euros (pour l'année 2014), soit 31 fois plus que la moyenne des salariés de la banque dans l'ensemble de ses pays d'activités".
Dans 34 cas, d'après les données qu'elles ont elles-mêmes publiées, les banques possèdent même des filiales offshore sans aucun salarié. C'est le cas aux îles Caïmans où les cinq groupes français ont implanté seize filiales sans effectifs et où 45 millions d'euros de bénéfices cumulés sont pourtant déclarés pour 2014.
"Ce rapport doit constituer un signal d'alarme pour l'administration fiscale et pour les parlementaires [...]. La transparence est un premier pas dans la lutte contre l'évasion fiscale", conclut Grégoire Niaudet, chargé de plaidoyer au Secours Catholique-Caritas France.
Un rapport qui tombe à point nommé, 15 jours avant l'examen en Conseil des ministres du projet de loi sur la transparence de la vie économique.
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