Mais que se passe-t-il à Flint ?
Flint est en état d’urgence depuis samedi. Dix personnes sont mortes de légionellose, au moins 43 autres présentent une surdose de plomb.
La ville de Flint (Michigan), à une heure de route au nord de Detroit, était surtout connue jusqu’à présent comme symbole de la crise de l’automobile. Ses fermetures d’usines, son taux de chômage près de deux fois supérieur à la moyenne nationale, ses 41 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté. Mais, depuis plusieurs mois, cette agglomération de 100 000 habitants doit se battre avec un autre fléau : le plomb. La contamination de l’eau potable de la ville, provoquée par une modification du mode d’approvisionnement devant permettre de réaliser des gains à court terme, a obligé le président des Etats-Unis à décréter, samedi 16 janvier, une situation d’urgence.
Cette aide décidée par Barack Obama va permettre d’accélérer la distribution de bouteilles d’eau et de filtres par la garde nationale et de dégager une enveloppe budgétaire, alors que la colère monte contre des autorités locales qui ont fermé les yeux pendant des mois.
Jusqu’alors, la collectivité achetait son eau potable auprès de la ville de Detroit. Mais le contrôleur juge la solution trop chère et décide qu’à partir d’avril 2014 Flint pompera l’eau dans la rivière locale, avant que celle-ci soit traitée. Très vite, les habitants se plaignent de la couleur et du goût de l’eau. Certains souffrent de vomissements, de perte de cheveux et d’éruptions cutanées.
Faire bouillir l’eau avant de la consommer
Après avoir découvert une bactérie dans l’eau du robinet, la ville publie des avis recommandant de la faire bouillir avant de la consommer. Les solutions adoptées par l’usine de traitement ne font qu’augmenter le niveau des contaminants.
Quelques mois plus tard, en octobre 2014, General Motors, qui possède des usines dans la ville, cesse d’utiliser l’eau municipale, jugée trop corrosive pour les pièces de ses voitures. Les canalisations auraient-elles dû être plus résistantes ? Attaqués, les tuyaux distillent peu à peu leur plomb dans l’eau potable.
Commence alors un scénario à la Erin Brockovich, cette militante de l’environnement, incarnée à l’écran par Julia Roberts, qui, au début des années 1990, avait révélé une affaire de pollution de l’eau en Californie. Face à l’incrédulité des autorités du Michigan, une mère de famille de Flint, qui s’inquiète des éruptions cutanées de son fils, finit par alerter l’Agence américaine de protection de l’environnement. Des tests sanguins réalisés sur l’enfant révèlent des taux de plomb deux fois plus élevés que la norme.
Il a fallu attendre septembre 2015 pour que la preuve d’empoisonnement soit reconnue par les autorités. Depuis, le scandale ne cesse de prendre de l’ampleur. Le ministère de la justice a annoncé, le 8 janvier, l’ouverture d’une enquête. Les excuses répétées de M. Snyder peinent à calmer la population. « Nous allons faire en sorte que cela n’arrive jamais plus dans l’Etat du Michigan », déclarait-il le 13 janvier.
« C’est une crise de la pauvreté »
Mais le mal est fait. A ce jour, les autorités ont identifié 43 personnes souffrant de doses excessives de plomb. Ce métal peut endommager le système nerveux et retarder le développement du cerveau chez les jeunes enfants. Parallèlement, depuis juin 2014, on a diagnostiqué la légionellose chez 87 personnes. Dix d’entre elles sont décédées.
Samedi, le cinéaste Michael Moore, originaire de Flint et pourfendeur des dysfonctionnements sociétaux et économiques des Etats-Unis, est venu soutenir les habitants. « Ce n’est pas une erreur. Dix personnes ont été tuées ici à cause d’une décision politique. Ils savaient », a-t-il lancé lors d’une manifestation qui a rassemblé quelques centaines de personnes, accusant les autorités de négligences vis-à-vis d’une ville pauvre, qui compte une importante population noire.
« Ils n’auraient jamais fait ça à West Bloomfield ou à Ann Arbor [deux communes aisées de la région]. Ce n’est pas seulement une crise de l’eau. C’est une crise raciale, une crise de la pauvreté. »
Depuis octobre 2015, Flint s’approvisionne à nouveau en eau auprès de Detroit, mais les canalisations restent endommagées. Le coût des réparations nécessaires est estimé à 1,5 milliard de dollars, sans qu’on sache très bien qui va payer. Et sans compter les nombreuses poursuites à venir.
Ils ont vraiment mis un pantin à la tête des Etats-Unis pour que des décisions racistes pareils voient le jour.
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