Les Républicains sont ulcérés ! L'aide de 600 à 1 000 euros décidée par Najat Vallaud-Belkacem pour favoriser le retour à l'école des décrocheurs a choqué. "Verser une telle prime à des élèves qui sèchent des cours, c'est absurde !" s'exclame Guillaume Larrivé, lors du point de presse du 13 juin dernier, au siège des Républicains. De son côté, le député LR Éric Ciotti, un soutien de Nicolas Sarkozy, voit dans cette "prime" "la réticence idéologique de la gauche française à l'expression de toute forme d'autorité et traduit une dangereuse inversion des valeurs". En fait, l'aide aux décrocheurs a été annoncée en avril 2016 par Manuel Valls quand il a dévoilé son "Plan jeunes". Interpellés par Le Point sur l'aide de 1 000 euros, les services de Najat Vallaud-Belkacem font valoir que le coût total estimé d'un décrocher pour la société serait bien plus important : "230 000 euros sur toute une vie".
Mais Les Républicains ont la mémoire courte. Najat Vallaud-Belkacem n'a rien inventé. Elle s'est même honteusement inspirée d'un dispositif dont l'auteur est... Nicolas Sarkozy. En effet, le 29 septembre 2009, à Avignon, celui qui était alors président de la République avait pris le taureau par les cornes pour engager une lutte totale contre le décrochage scolaire des 16-18 ans. Et – ô surprise –, l'actuel président des Républicains souhaitait à l'époque lancer une expérimentation. "Martin Hirsch va expérimenter un mécanisme permettant aux référents des jeunes de leur attribuer des aides personnalisées, pour qu'ils suivent jusqu'au bout un parcours de réinsertion", avait annoncé le président dans un discours fleuve qu'on relira avec profit. Le dossier de presse fourni par l'Élysée indiquait le montant de ces aides : jusqu'à 2 500 euros ! Soit deux fois et demi plus que ce que propose aujourd'hui Najat Vallaud-Belkacem, vraiment "petit bras" dans cette affaire.
Des aides pour le permis de conduire...
"Qu'on me comprenne bien, il ne s'agit pas de mieux traiter un jeune qui décroche qu'un jeune qui peut être en situation sociale difficile et qui suit ses études, avait précisé Nicolas Sarkozy. Mais le jeune qui décroche, qui se battra, qui assumera ses devoirs, son référent bénéficiera de moyens pour l'aider. Est-ce que c'est le permis de conduire ? Est-ce que c'est le financement d'une formation ? On en discutera, Martin Hirsh va expérimenter."
À l'époque, Martin Hirsch était haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse. Contacté par Le Point, il se souvient avec humour de ce moment mais ne sait pas si l'expérimentation de ce dispositif a réellement eu lieu, car il est sorti du gouvernement Fillon en mars 2010. En revanche, il conserve un souvenir précis de l'élaboration chaotique du "livre vert" qui a abouti aux annonces du discours d'Avignon de 2009.
Marisol Touraine a travaillé pour Nicolas Sarkozy !
Xavier Darcos, alors ministre de l'Éducation et de la Jeunesse, connaissait fin 2008 un passage difficile. Nicolas Sarkozy décide de confier la Jeunesse à Martin Hirsch. "J'ai dit OK, mais si on me laisse les mains libres et 150 millions d'euros pour mener des expérimentations. Sarkozy me dit banco", se souvient l'actuel président de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Martin Hirsch constitue alors une commission de 80 membres afin de créer autour de la jeunesse "un consensus qui va du Medef aux syndicats, et d'Édouard Courtial à Marisol Touraine". Qui s'en souvient ? L'actuel ministre des Affaires sociales et de la Santé avait accepté de siéger dans cette commission qui va rédiger les propositions du livre vert et faire travailler élus de gauche et élus de droite. C'est Martin Hirsch lui-même qui la préside.
Lorsqu'elle livre son rapport, début juillet 2009, cela se passe mal... "Je suis convoqué à l'Élysée par un sous-sbire de Sarkozy qui me dit : "Tu dois te désolidariser de ta commission." Je lui réponds : "Allez vous faire voir." Le gouvernement Fillon croit s'en tirer en enterrant le rapport. Martin Hirsch s'obstine et accorde, quelques jours plus tard, une interview au JDD où il monte en pression : "On me laisse entendre que le président ne serait plus favorable au principe d'une dotation (pour aider les jeunes, NDLR) comme levier de l'autonomie, alors qu'il y a deux mois, lors d'une réunion de travail, il me semblait qu'il l'encourageait."
Sarkozy à Hirsch : "C'est très bien, ton truc !"
Hirsch est aussitôt convoqué par Nicolas Sarkozy et reçoit une douche écossaise. Claude Guéant assiste à la mercuriale. "Il commence par m'engueuler, se souvient Hirsch. Quand il a fini, je lui demande : mais pourquoi tu m'engueules ? Il me reproche mon interview. Je lui fais remarquer que je n'avais pas eu d'autres moyens puisqu'il ne voulait pas me voir. Je lui expose alors les recommandations du livre vert. Il finit par me dire : C'est très bien, ton truc, on va le faire." La presse, à l'époque, évoque la possible éviction de Martin Hirsch du gouvernement Fillon. Avant de quitter le président, le haut commissaire lui demande : "Du coup, qu'est-ce que je dis à la presse ?" Réponse de Sarkozy : "Tu dis que je suis d'accord avec tout."
De fait, Nicolas Sarkozy tient parole et élabore le discours d'Avignon du 29 septembre 2009, dont on perçoit, à la relecture, les accents très sociaux et un engagement sans précédent dans la lutte contre le décrochage scolaire. Najat Vallaud-Belkacem puise ses idées à bonne source. On a beaucoup dit de la présidence Sarkozy qu'elle était marquée par le discours de Grenoble (en fait très modéré quand on songe aux accents martiaux de Valls vis-à-vis des Roms). C'est un tort d'oublier le discours d'Avignon de Nicolas Sarkozy qui démontre une approche pragmatique et sensible des problèmes des décrocheurs scolaires.
La "cagnotte contre l'absentéisme", une expérience sacrifiée
"Vous voyez bien, pour chacun d'entre eux, on va contractualiser devoirs et droits. Et les aides que les référents pourront donner à ces décrocheurs seront exclusivement réservées aux jeunes décrocheurs qui suivent assidument une formation, affirmait Nicolas Sarkozy. Ceux qui ne suivront pas une formation n'auront rien. La société ne peut pas donner des droits et ne pas exiger des devoirs. On ne laissera tomber personne, mais on est vraiment dans la logique des droits et des devoirs. Nous devons jeter toutes nos forces dans cette bataille, même si j'ai bien conscience que les décrocheurs ne sont pas les seuls à faire face à ces difficultés."
On ne sait pas très bien ce qu'il est advenu de cette mesure. Mais, à l'époque, Martin Hirsch avait expérimenté dans trois lycées de l'académie de Créteil une idée du même tonneau. Il s'agissait d'attribuer une "cagnotte" de 2 000 euros par classe dans certains LEP (lycées d'enseignement professionnel) dont le taux d'absentéisme baisserait. Cette "cagnotte" permettait ainsi à la classe de réaliser un projet collectif. Une façon de jouer la solidarité du groupe contre l'absentéisme de quelques-uns... Problème : l'expérience est ébruitée par le recteur de l'académie de Créteil, à l'époque Jean-Michel Blanquer. Le Parisien s'empare de cette cagnotte pour en faire un sujet de scandale... La bronca est telle que Martin Hirsch est obligé de sacrifier l'expérimentation pour en sauver d'autres. "En fait, ça marchait du feu de dieu ! À l'époque, on a interdit aux proviseurs de communiquer sur le résultat de l'expérimentation."
Y a les scandinaves qui ont trouvé mieux à faire, un salaire dès le collège, qui est plus fort si on est un meilleur élève, qui est aussi plus forte si l'élève va étudier à l'étranger (apprendre d'autres langues) et surtout un prime liée au mentions obtenues au bac et qui permettent de faire de grandes études.
Voilà là un moyen de réduire les inégalités et de mettre le mérite en avant plutôt que de ne soutenir que le nivellement vers le bas. Il faut aider les lus faibles mais les encourager à faire mieux pas à devenir un décrocher pour pouvoir toucher la prime.
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