Balkany et Benzema... Pas le même traitement

Balkany est plus fort que Benzema. Et la politique moins regardante que le football dans la sélection de ses élites. Pour une mise en examen, Karim Benzema n’a pas obtenu l’investiture de Didier Deschamps en équipe de France afin de pouvoir se présenter à l’Euro. Avec plusieurs mises en examen, Patrick Balkany obtient celle de Les Républicains et sera candidat aux prochaines élections législatives de juin prochain.
La France du 21 ème siècle est de plus en plus dans l'idiocratie saupoudrée d'un racisme inconscient et non assumé. On s'excite ferme dès qu’il s’agit de football, patriotisme et souverainisme en bandoulière, projetant sur l’équipe de France et ses footballeurs, toutes les passions françaises de l’époque, à l’image d’Alain Finkielkraut, Nicolas Sarkozy et bien d’autres, s'excitent dès qu’un footballeur, Anelka ou Benzema, Ribéry ou Nasri, se laisse aller à un dérapage plus ou moins grave, de gros mots prononcés dans un vestiaire à l’éventuelle participation à une mise en examen pour chantage dans une affaire de Sextape en passant par une grève de joueurs lors d’une Coupe du Monde ou des injures adressées à un journaliste lors d’un Euro, mais on se tait quand Patrick Balkany est choisi par son parti pour participer à des élections. Après la justice à deux vitesses, l'indignation à deux vitesses.
Président de la République, Nicolas Sarkozy était le premier à dénoncer le comportement d’Anelka en 2010, Président de Les Républicains, il laisse Patrick Balkany, son vieil ami de trente ans, son vieux complice des Hauts-de-Seine, repartir à la conquête d’un nouveau mandat de député de la nation, lui criblé de multiples mises en examen.
Le CV judiciaire de Patrick Balkany est riche. Fraude fiscale, blanchiment de fraude fiscale, corruption passive et déclaration mensongère… Les mises en examen se sont accumulées sur la tête du député maire de Levallois-Perret. Il en compte aujourd’hui quatre au compteur. A ce palmarès, il faut ajouter l’ensemble de l’œuvre politique de l’intéressé, dont le nom apparaît dans l’affaire des Panama Papers, entre autres sujets de discussion possibles. En Islande ou en Angleterre les premiers ministres et autres politiques sont tombés pour moins que ça.

Extinction des lumières sur les questions qui fâchent

On ne compte plus, par exemple, les séances de question au gouvernement à l’Assemblée ou de conseil municipal à Levallois ayant offert au personnage Balknay l’idée qu’il se fait de la dignité de l’élu du peuple, local ou national dans l’exercice de son mandat.
En juin 2015, par exemple, confronté à des questions embarrassantes de son opposition locale sur le cas du judoka Teddy Riner, licencié d’un club de judo de Levallois (touchant 6 millions de subventions municipales sur un budget total de 10 millions), et salarié à hauteur de 413.000 euros par an, Patrick Balkany avait clos les débats à sa façon. Après avoir décrété que ses contradicteurs ne connaissaient rien au sport, il avait interrompu la séance du conseil en s’en allant et en éteignant lui-même les lumières de la salle. Fin des débats. Et tant pis pour la démocratie, la transparence et une certaine idée du rôle de l’élu.
Ainsi va Patrick Balkany depuis qu’il est Patrick Balkany. Toujours border line, mais toujours élu et réélu, même après une période d’inéligibilité infligée par la justice au milieu des années 90 pour cause de « prise illégale d’intérêts » (il usait des services domestiques d’employés municipaux à domicile). Dès le début des années 2000, il avait récupéré mairie et circonscription. Sans que son cas ne fasse l’objet d’un débat national.  
Patrick Balkany a de la chance. Il n’est qu’élu de la République, pas avant-centre de l’équipe de France de football. Quatre mises en examen ne sauraient suffire à lui barrer l’accès à l’équipe Les Républicains qui disputera le tournoi des Législatives 2017. Les mises en examen ou la répétition des comportements grossiers, voire vulgaires, ne s’affichent pas à la Une de l’Equipe (le journal ennemi des Bleus), où dans les débats permanents montés par les chaines d’information généralistes ou sportives, mais dans quelques articles, ici et là, repris par quelques-uns, sur les réseaux sociaux. Le cas Balkany n’intéresse pas au-delà d’un cercle de moralisateurs qui pensent encore que la politique est un art qui devrait s’exercer dans un cadre éthique préservé et intransigeant. Force est de constater que ce cercle-là est aujourd’hui inaudible.
Le football est plus important que la politique, et le footballeur plus exemplaire que le politique. Ici se mesure un drame français. Les acteurs de la vie publique en sont rendus à un tel point de discrédit que le cas Balkany n’indigne pas. Alain Finkielkraut s'en fiche de Balkany, il préférera toujours accabler Nasri, ou Benzema. Tout passe, et tout lasse depuis longtemps...
Combien sont ces abrutis qui partagent une photo de Zlatan avec son salaire en dessous comparé avec un pompier et son salaire en dessous (il y a plusieurs variantes), alors que bande de mythos vous n'auriez jamais refusé de toucher autant d'argent, que ces footballeurs n'ont pas volé, pas détourné de l'argent et pire paient leurs impôts et charges sociales en France. 
Jamais vous ne mettez les sports de "Blanc" comme le Tennis où tous les joueurs français vivent en Suisse pour ne pas payer plein pot, ou les acteurs ou encore les pilotes de Formule 1. Ce racisme inconscient que vous n'avouerez jamais, cette jalousie, cette rhétorique débile alors qu'il est logique qu'un salaire se jugule à la rareté. Il y a plus de plombiers que de Benzema, le prix s'envole pour Benzema c'est la pure logique et celui qui paie Karim aussi cher sais qu'il gagnera encore plus. 

Des casseroles en tout genre

Les Français n’attendant plus rien de la politique, peu leur importe que Balkany cumule les casseroles en tout genre, judiciaires, politiques et médiatiques… Y compris les électeurs de Levallois, qui l’élisent et le réélisent depuis des années… Mais qui sont-ils ces électeurs-là, quelle idée ont-ils d’eux-mêmes pour être à ce point inaccessibles à toute considération éthique?
La tolérance à l’égard de Balkany, de ses électeurs comme des commentateurs, qui regardent ailleurs, est le signe qu’une certaine forme de mithridatisation de l’opinion aux errements des politiques paraît acquise. Balkany est investi, et il ne se trouve plus de Philippe Seguin pour dire tout le mal qu’il pense de cette mithridatisation, comme en 2001 face au cas Tibéri, candidat plébiscité dans le Ve arrondissement de Paris alors même qu’il était empêtré dans d’interminables affaires, entre faux-électeurs ou office HLM de la ville de Paris.
Il faut s’y faire. Ou pas. Les commentateurs du spectacle de la vie publique préfèrent se concentrer sur les footballeurs, Benzema ou Pogba, plutôt que sur Balkany. Et d'assister à cet étrange spectacle médiatique où l’on voit des gens s’interroger, des heures et des heures d’antenne durant, sur l’opportunité de sélectionner ou non l’avant-centre du Real Madrid, ou sur le degré de gravité d'un geste d’humeur de Paul Pogba. 'Il a fait un bras d’honneur'. 'C’est horrible'. 'Une atteinte à l'honneur national'. 'Une tragédie'. On ne sait ni à qui, ni pourquoi, mais on sait que c’est insupportable. Deschamps doit-il le conserver, ou pas? Qu'en pensent Alain Finkielkraut, Daniel Cohn-Bendit? Vite. Débattons de l'essentiel. En revanche, le débat Balkany, lui, n’aura pas lieu…
En France, en 2016, il vaut mieux être Balkany que Benzema. Ou Pogba. Quand un pays espère plus de ses footballeurs que de ses politiques, peut-on dire que ça va mieux?

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