La loi du travail passe l'examen du conseil constitutionnel

La loi Travail, adoptée à l'issue de cinq mois de conflit social et d'affrontements politiques, a passé presque sans encombre l'étape du Conseil constitutionnel mais reste à la merci de recours contre ses articles phares.
La haute juridiction, qui a décidé de ne pas se prononcer sur les articles les plus décriés, a annoncé jeudi avoir censuré cinq mesures secondaires, deux pour des raisons de fond et trois pour la forme.
Manuel Valls a immédiatement salué une décision permettant "l'entrée en vigueur de ce texte qui vise à donner plus de place au dialogue social dans notre droit du travail".
Selon lui, le Conseil constitutionnel "valide" l'article le plus critiqué par les opposants syndicaux et de gauche qui consacre la primauté de l'accord d'entreprise sur la convention de branche en matière de durée du travail.
Or, le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé ni sur ce point, ni sur les autres mesures clefs du texte (licenciements économiques, accords "offensifs" pour l'emploi, référendum d'entreprises...), précisant même que ces articles pourraient "faire l'objet de questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC).
De son côté, la ministre du Travail Myriam El Khomri a promis dans un communiqué qu'un "grand nombre" des décrets d'application seraient "publiés avant fin octobre et la quasi-totalité avant la fin de l'année, afin que la loi devienne très rapidement une réalité pour nos concitoyens".
Le gouvernement avait dû recourir à trois reprises à l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter son projet de loi sans vote, pour neutraliser la fronde d'une partie de sa majorité. Les "frondeurs" avaient échoué de justesse par deux fois à déposer une motion de censure contre le gouvernement, mais finalement réuni suffisamment de députés pour saisir le Conseil constitutionnel, au motif d'un non respect du débat parlementaire.

Les Sages ne leur ont toutefois pas donné raison, jugeant que les règles du 49-3 avaient été "respectées".
Considéré comme trop favorable aux entreprises, le projet de loi a essuyé, depuis sa divulgation en février, les tirs croisés d'une intersyndicale menée par la CGT et FO, de députés frondeurs, mais aussi d'un patronat dénonçant de nombreuses reculades au fil de l'examen du texte.


- 'Cinq articles retoqués sur 123' -
Le texte a mobilisé contre lui des dizaines de milliers d'opposants, qui ont battu le pavé au cours de 12 journées nationales de grève et de manifestations.
Finalement, Mme El Khomri s'est réjouie jeudi que "seul un nombre marginal de dispositions - 5 sur un total de 123 articles -" aient été retoquées.
Les deux articles censurés sur le fond avaient été attaqués par des parlementaires LR et UDI. Dans un communiqué publié jeudi soir, le sénateur (app. LR) Jean-Baptiste Lemoyne, co-rapporteur au Sénat de la loi, estime que la décision du Conseil "montre que cette loi, non concertée au début, est mal née et que son détricotage a commencé". "Le gouvernement a mis la société française en ébullition pendant 5 mois pour aboutir à un texte qui restera une occasion manquée", lit-on plus loin dans le communiqué.
Le premier des deux articles, qui instaure sous certaines conditions une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise, a été censuré partiellement. Le Conseil n'a pas remis en cause le principe, mais a estimé que les dépenses de fonctionnement de l'instance ne devaient pas être imputées aux seuls franchiseurs, cette disposition portant "une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre".
Le second prévoit que, si une collectivité territoriale retire des locaux à un syndicat qui en bénéficiait depuis plus de cinq ans sans lui proposer d'alternative, l'organisation a droit à une indemnisation. Les Sages n'ont censuré que l'application rétroactive de la mesure à des mises à dispositions passées ou en cours.
Par ailleurs, les trois articles censurés sur la forme portent sur les ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), sur des modalités de la couverture complémentaire santé, et sur la possibilité pour les entreprises de moins de 50 salariés de déduire de leurs résultats imposables une somme correspondant aux indemnités susceptibles d’être ultérieurement dues à leurs salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le Conseil a estimé qu'il s'agissait de cavaliers (articles sans lien avec le texte initial) et d'entonnoirs législatifs (amendements à des articles déjà approuvés conformes par les deux Chambres).

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